MON PERE AVAIT 26 ANS (21)
SAMEDI 19 OCTOBRE Journée d'attente qui paraît bien longue et n'apporte aucun fait nouveau relatif à l' événement que les 56 rapatriables attendent . Toutefois cet après midi on a distribué les effets à ceux qui en manquaient ;ce qui m'a valu de percevoir un pantalon polonais et une casquette de la même nationalité .
Journée heureuse pour moi, par ailleurs : je reçois 2 cartes de ma petite femme ; 2 autres de ma chère maman et 1 de Lucienne. De plus me parvient le colis d'Estaires. Sans doute est-ce celui du 27/8 qui m'était annoncé ? Il est en tout cas le bienvenu .
DIMANCHE 20 OCTOBRE Je vais à la messe habituelle en pensant que ce sera la dernière fois que j'y assiste en Allemagne . Belle après-midi ensoleillée passée au jardin , à faire des pronostics pour notre départ , à bâtir des projets . La nuit tombe. Toujours rien de nouveau .
Il est plus de 21 H quand on apprend que le départ est fixé à lundi . Inutile de dire que l'effervescence est grande dans la chambrée où les conversations qui avaient cessé un peu plus tôt reprennent et sont très animées. J'ai écrit à ma femme , à Georges et Lucienne .
LUNDI 21 OCTOBRE Il y a 5 mois j'étais blessé . Nous voici enfin au jour tant attendu, depuis le 12 septembre en particulier . J'ai peu et mal dormi mais je ne me sens pas fatigué . Les aiguilles tournent lentement au cadran de l'horloge .
Nous aspirons 10 H et en attendant je vais dire au revoir à quelques copains, échanges d'adresses , mots de réconfort et d'espoir . J'apprends que nous mangeons ici, le départ n'ayant lieu qu'à 13 H .
Il est l'heure de la soupe quand je rencontre André Dellys, d'Armentières , ouvrier chez Salmon . Son beau père, Ovion Etienne est gendarme . Après le repas nous bavardons ensemble, tous deux très heureux du hasard qui nous a fait faire connaissance .
Et voici qu'on rassemble les partants au réfectoire . Le directeur de l'établissement aimable et souriant à son ordinaire, vient nous faire une dernière visite de courtoisie . Nous gardons de lui un excellent souvenir . 13 H 30 le café est servi .
Bientôt commence le départ des malades couchés . Une heure plus tard,l'autocar nous attend. Les
copains sont là autour de nous . Instants très émouvants . Nous vivons ensemble depuis des semaines, des mois partageant les mêmes tribulations et nous allons nous quitter . Pénibles moments pour chacun mais surtout pour ceux que nous laissons . Je suis sincèrement ému en leur serrant la main, en leur souhaitant « bon courage » et quand j'embrasse Marcel Paye, l'un et l'autre nous devons faire effort pour refouler nos larmes. Une dernière fois nous nous faisons signe de la main...Au revoir ! A bientôt !
Puis c'est le silence...