MON PERE AVAIT 25 ANS (7)
...MERCREDI 22 MAI Dans la soirée je suis évacué sur Beaumont . Toute l'église est remplie de blessés allongés sur des paillassses ou la paille . Ai-je bu ? Ai-je mangé ce jour là ? Je ne sais pas . Il y a bien d'autres détails concernant ces journées qui ne me reviendront jamais à l'esprit.
DU JEUDI 23 AU DIMANCHE 26 MAI Nota : certaines dates notées ci-dessous avec un point d'interrogation peuvent être discutées , ma mémoire me faisant défaut.
Le jeudi 23 (?) un camarade est mort presque à mon côté . On a refait mon pansement . Comme je demande au médecin français ce qu'il pense de ma blessure, il me répond froidement qu'on va sans doute devoir m'amputer . Je reçois le choc sans faiblir .
Je suis évacué sur Marche où j'arrive dans la soirée , dans un couvent de pères franciscains . Le lendemain matin , pansement. Le médecin – toujours un français – me dit que ma jambe sera sauvée . Il coupe des chairs mortes et nettoie la plaie . Je ne fais guère de température . Des jeunes filles ou dames m'ont lavé un peu . J'éprouve un bien-être et le lit est bon .
Le samedi soir 25 mai je me confesse et je suis heureux de communier le lendemain . On me refait mon pansement , le médecin coupe encore...
Quelques heures plus tard je suis embarqué dans un camion .
Très tard dans la nuit , après un voyage qui me fut très pénible, me voici à Coblence . Plusieurs fois en cours de route , on s'est arrêté . Les Allemands qui étaient mes compagnons de voyage ont reçu tartines,biscuits, cigarettes et même de la bière . Nous avons eu notre part , ce qui nous a fait plaisir . J'ai beaucoup souffert au cours de ce transport et j'étais bien aise de m'allonger sur une maigre paillasse .
Je me souviens d'avoir traversé Malmédy , pavoisée aux couleurs de la croix gammée . Les gens me paraissaient bien contents . Je reste à Coblence toute la semaine .